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La Leptospirose

Une maladie infectieuse sous estimée et potentiellement grave

Catégorie : Newsletter

Regards sur la Leptospirose n°19

Les métiers de l’eau et de l’assainissement : risques d’exposition à la leptospirose élevés

Ce ne sont pas des navigateurs. D’ailleurs, la plupart du temps, bien que l’eau occupe une place centrale  dans leur travail, ces employés exercent leur activité sur la terre ferme. Ils exercent, pour certains, les métiers de traitement des eaux usées, de l’eau potable ou encore de l’assainissement, d’autres interviennent dans le domaine de l’environnement et d’entretien des espaces naturels. Salariés des travaux publics, ils peuvent être missionnés sur des chantiers de construction et d’entretien des berges et des voies navigables ou encore à proximité des bassins. D’autres, enfin, professionnels des sports et loisirs, travaillent au contact direct avec des eaux douces. Pour tous, travailler dans l’environnement aquatique, au contact direct avec les eaux ou dans un environnement humide constitue le risque d’être exposé à la leptospirose.

Cette maladie infectieuse est  transmise par les urines et les déjections des rongeurs qui souillent ainsi les eaux. Une fois dans l’environnement, les leptospires, bactéries responsables de cette maladie, peuvent survivre jusqu’à 6 mois en milieu humide (eau ou boue) et même à 4°C.

Les métiers de traitement des eaux usées et de l’assainissement

En contact  avec des eaux usées, contenant des micro-organismes, lors des travaux d’exploitation ou d’entretien dans les égouts ou dans les stations d’épuration,  ces professionnels sont au contact des installations accessible aux rongeurs, plus particulièrement aux rats et autres animaux. Ils sont donc les premiers exposés au risque de leptospirose.

Claude, anciennement employé dans l’assainissement et ayant été hospitalisé plusieurs jours à cause d’une leptospirose nous livre son expérience personnelle : « J’étais responsable d’une agence dans l’assainissement. J’étais forcément en contact avec les véhicules d’assainissement. Ma société étant proche de Paris, les véhicules étaient là dans la demi-heure qui suivait. Il a suffi d’un simple contact avec les boues d’un camion, mes mains étant démunies de gants, car j’étais souvent au téléphone ! Téléphoner avec des gants, ce n’était pas possible à cause des touches. Et c’est ça le problème et en plus je me rongeais les ongles ! Il ne fallait pas… Une simple blessure aux doigts a suffi pour être contaminé ! »

Les métiers de l’eau potable

Les réseaux d’eau potable peuvent constituer une possible source de contamination pour le personnel. Par exemple lors de la réparation d’une fuite. L’agent entre en contact avec le milieu environnant, gardé humide à cause de cette fuite d’eau, potentiellement contaminé par de l’urine de rats ou d’autres animaux concernés. Ce risque est d’autant plus important que les gants utilisés par les employés sur le réseau d’eau potable ne sont souvent pas étanches. Parfois même, les agents retirent leurs gants pour réaliser des actions de précisions, avec leur doigts, que les gants ne permettent pas toujours de faire.

 « Mon métier consistait à poser des réseaux d’eau, changer des compteurs, effectuer les réparation sur le réseau, nettoyer des châteaux d’eau, tout ce qui a un rapport avec l’eau potable du forage à la distribution chez les particuliers. Tous ces endroits sont des endroits à risque de leptospirose j’ai envie de dire, parce que par exemple les vieilles conduites ou les fosses à compteur sont souvent situées dans les endroits exposés. »  nous explique Frédéric qui a contracté la leptospirose lors de son exercice en tant Préposé à l’exploitation des compteurs d’eau.

Les métiers de la voie d’eau (VNF)

Les employés de construction et d’entretien des berges et des voies navigables en eaux douces se retrouvent souvent en première ligne lors des crues et inondations. Le contact direct de l’eau et le voisinage des rongeurs fait de cet environnement une zone d’exposition pour les salariés tels que les éclusiers, plongeurs, agents de maintenance, etc.

Les métiers de l’environnement et d’entretien des espaces naturels

Les travaux d’entretien des espace naturels effectués sur les berges de rivières ou dans des cours d’eau convoités par les ragondins amènent les salariés à descendre dans les bassins ou accéder aux installations immergées et intervenir bien souvent dans les milieux boueux, marécageux et humides. Toutes ces conditions sont favorables à une contamination par les leptospires.

Les pêcheurs et pisciculteurs

Chez les pêcheurs les contaminations sur les berges ne sont pas exceptionnelles. Leur métier les amène à se trouver sur les rives et les eaux stagnantes des cours d’eau coupés de barrages qui sont des sites très favorables à la contamination.
Par ailleurs, l’élevage par les pisciculteurs et aquaculteurs des poissons d’eau douce à l’intérieur des terres dans des bassins ou étangs, fait l’objet de nombreuses tâches manuelles dans des conditions propices à la présence des leptospires (milieu humide, zones d’entrepôt de la nourriture des poissons ou les zones à déchets propices à la présence et à la prolifération de rats).

Les professionnels des sports et loisirs des eaux douces

Avec la tendance aux « sports nature », de plus en plus nombreux sont les travailleurs éduquant, encadrant ou pratiquant en compétition des activités sportives ou récréatives en eaux douces pouvant exposer au risque de leptospirose. Citons parmi ces sports et activités en eau douce le canyoning, le canoë-kayak, le rafting, etc.) ainsi que les nouvelles expériences « tendance », tels les courses dans la boue.

Pour plus d’information
sur la leptospirose :
www.leptospirose-prevention.fr

DES MOYENS DE PRÉVENTION EXISTENT : PARLEZ-EN A VOTRE MÉDECIN !

La prévention en milieu professionnel passe avant tout par une bonne communication auprès des travailleurs exposés : par la sensibilisation des personnes à risque ( à l’embauche et régulièrement renouvelée tout au long de l’exercice).
Pour lutter contre la leptospirose il est important de respecter les consignes de prévention :
– En portant les équipements de protection : gants, bottes, combinaison, lunettes de protection…
– En respectant des règles d’hygiène : désinfecter et protéger les plaies, se laver les mains…
– En consultant son médecin traitant en cas de syndrome grippal
La vaccinationest également recommandée sur avis du médecin, associée aux autres moyens de protection, décrites ci-dessus, pour les professionnels particulièrement exposés.

Vous avez des employés à risques de leptospirose dans votre structure ?

Pour mieux vous informer sur la leptospirose et sa prévention, nous pouvons intervenir à titre gracieux lors d’une réunion de sensibilisation à la leptospirose à destination des salariés à risque qui dure 45 à 60 minutes selon le nombre de questions.
Contactez-nous pour réserver votre prochaine réunion avec un de nos Chargés d’Information et de Prévention : leptospirose@imaxio.com

Références bibliographiques

1. Avis du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique en France relatif aux recommandations pour la prévention de la leptospirose en cas d’activité professionnelle à risque (séance du 18 mars 2005)

Regards sur la Leptospirose n°18

La leptospirose : risque d’exposition croissant dans le cadre des loisirs

En France, le nombre de cas de leptospirose a augmenté depuis 2014 pour passer à plus d’1 cas par jour1 ! Cette maladie, principalement associée aux risques professionnels dans certaines branches, telles que l’assainissement, les travaux publics ou encore la pisciculture et l’entretien des espaces naturels, est de plus en plus souvent contractée à l’occasion de la pratique d’activités de loisirs exposant à l’eau douce et à l’environnement souillés par l’urine des rongeurs. Quels sont les activités récréatives concernées ? Quels sont les facteurs de risque et quelles sont les précautions à prendre pour prévenir cette maladie potentiellement mortelle dans le cadre des loisirs ?

Pour plus d’information :

 

www.leptospirose-prevention.fr

 

ou leptospirose@imaxio.com

Avec l’augmentation de l’incidence ces dernières années en France comme au niveau mondial2,3, la leptospirose continue à préoccuper les autorités sanitaires. Dans les régions tropicales, les leptospires étant très présents dans le milieu naturel, cette maladie apparaît comme un réel problème de santé publique (ex : Antilles, Ile de la Réunion, Océanie…). Des cas survenant au cours d’événements sportifs, ou de catastrophes naturelles principalement inondations et cyclones sont décrites partout dans le monde y compris dans les pays tempérés (ex : en France métropolitaine, 43 cas signalés l’été de la canicule 20034, 14 cas groupés chez les kayakistes en 20165, 5 cas groupés en automne 20176ou encore la mort d’un triathlète en été 20187). Le réchauffement climatique pouvant être à l’origine de la multiplication des évènements climatiques extrêmes et des précipitations élevées favoriserait la diffusion de cette maladie.

Les activités et sports de nature

Avec le développement de l’urbanisation, les activités de loisir sont davantage orientées vers les activités en plein air qui peuvent exposer à des risques de leptospirose en facilitant le rapprochement entre l’homme et les animaux ou les environnements infectés. La leptospirose étant transmise par l’urine des animaux principalement les rongeurs (rats, ragondins…), l’infection de l’homme, la plupart du temps, n’est qu’accidentelle. Elle repose principalement sur un contact indirect avec l’urine de ces animaux, dans un environnement contaminé. Les leptospires peuvent survivre dans le milieu extérieur humide et en particulier dans l’eau douce et dans la boue pendant plusieurs mois, même à des températures aussi basses que 4°C8 et pénètrent dans l’organisme à travers les plaies, les muqueuses (nez, bouche, yeux) et même la peau saine macérée.

Des activités qui se déroulent sur l’eau ou dans l’eau douce : la baignade, le triathlon, la plongée, le canoë-kayak, le rafting ou encore la planche à voile sont aujourd’hui de plus en plus populaires et se retrouvent parmi les causes principales de contamination dans le cadre des loisirs. En septembre 2016, 14 cas groupés de leptospirose ont été décelés chez les kayakistes ayant été au contact avec les eaux de la Vilaine dans le département d’Ille-et-Vilaine5. Et en 2018, un triathlète de 44 ans est décédé dans la région de Libourne, en Gironde, après avoir contracté la leptospirose7.

D’autre activités et sports de nature pratiqués dans un environnement humide ou dans la boue représentent également un facteur de risque : la spéléologie, le canyoning, les parcours en pleine nature (raids) ou dans la boue (Mud Day), mais aussi le jardinage9. Ainsi, en 2017, 5 cas avérés de leptospirose ont été diagnostiqués chez des personnes faisant partie d’un même groupe qui a pratiqué le canyoning en septembre 2017 en Savoie6. Et dans les départements d’Outre-Mer, le jardinage est une des activités principales à risque.

Enfin les activités exposants au contact direct avec les animaux ou un environnement infectés telles que la chasse, le piégeage ou encore la pêche présentent également le risque d’attraper cette maladie. La presse rapporte régulièrement des cas graves ou mortels de leptospirose humaine parmi les piégeurs, au contact fréquent de ragondins et de rats musqués, porteurs de cette maladie.

Comment se protéger de la leptospirose ?

  • Lutter contre la prolifération des rongeurs
  • Assurer une bonne gestion des déchets
  • Eviter les baignades en eaux mal connues et surtout après de fortes pluies
  • Porter des équipements de protection (bottes, combinaison, lunettes de protection…)
  • Eviter tout contact des mains souillées avec ses yeux, son nez et sa bouche
  • Désinfecter et protéger ses plaies cutanées avec un pansement imperméable
  • Se laver les mains à l’eau potable et au savon
  • Consulter son médecin traitant en cas de syndrome grippal
  • La vaccination est recommandée sur avis du médecin, associée aux autres moyens de protection pour des sujets particulièrement exposés

Les voyages internationaux : un facteur de risque

A l’échelon mondial, on dénombre chaque année un million de cas sévères de leptospirose qui seraient à l’origine de 60 000 décès3, mais ces chiffres sont probablement sous-estimés du fait de l’absence de spécificité des symptômes, et aussi de techniques diagnostiques difficiles à mettre en oeuvre ou à exploiter.

De nos jours, les voyages internationaux ont pris une importance sans précèdent et pour les personnes qui se rendent dans un pays tropical ou subtropical, le risque de contracter une leptospirose est encore plus élevé. En effet, la chaleur et l’humidité dans les tropiques sont favorables à la survie des leptospires dans ces milieux naturels. On retrouve le caractère saisonnier de la leptospirose sur ces territoires avec une augmentation du nombre de cas lors de la saison des pluies ou après des phénomènes climatiques inhabituels (ouragans, inondations). Parmi ces pays nous retrouvons l’Inde, le Sri Lanka, la Thaïlande, le Vietnam, la Malaisie, la Chine, les Seychelles, les Caraïbes, le Brésil et les îles pacifiques10 mais également les régions françaises d’Outre-Mer, où l’incidence en 2017 est 7 à 80 fois plus élevée qu’en France métropolitaine.1

L’engouement grandissant pour les loisirs aquatiques et les compétitions sportives en milieu tropical, qui s’accompagnent de rassemblement important de participants, créent des conditions propices à la contamination par les leptospires. Des cas groupés ont été rapportés après la pratique de loisirs aquatiques comme la natation, le rafting ou encore après les compétitions de course d’endurance en plein air ( trail), à l’exemple du Trail Tchimbé Raid 2009 en Martinique11 ou de l’Eco Challenge Sabah 2000 en Malaisie12. Ainsi au Pays- Bas, entre 2009 et 2016, 224 cas de leptospirose reportés étaient en rapport avec un voyage à l’étranger, parmi lesquels 53,7% de cas graves qui ont été hospitalisés.13

Malgré la fréquence élevée de cas de leptospirose rapportés au retour de voyages, il est probable que dans ce contexte particulier la maladie reste encore sous diagnostiquée. La sensibilisation des voyageurs aux moyens de prévention contre la leptospirose est donc primordiale pour leur permettre d’identifier les activités à risque et prendre les mesures préventives adéquates.

Références bibliographiques

1. Centre national de référence de la leptospirose. Rapport annuel d’activité 2018 pour l’année 2017.
2. Costa F, Hagan JE, Calcagno J, Kane M, Torgerson P, Martinez-Silveira MS, et al.Global morbidity and mortality of leptospirosis: a systematic review. PLoS NeglTrop Dis 2015;9:e0003898.
3. L. Filleul et al. ; Santé Publique France – La leptospirose dans les régions et départements français d’outre-mer; Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire ; 4 avril 2017 ; numéro 8-9.
4. Capek I et Vaillant V. Leptospirose en France métropolitaine. Été 2003.
5. Y. Guillois, P. Bourhy, F. Ayral, M. Pivette, A. Decors, H. Aranda Grau, C. Malhere, B. Combes, M. Le Guyader, A. Septfons. An outbreak of leptospirosis among kayakers in Brittany, North-West France, 2016. Euro Surveill. 2018;23(48):pii=1700848.
6. G. Terpant, A. Septfons, P. Bourhy, N. Grangeret, J. Neasta ou J.-F. Franconie. Outbreak of leptospirosis during a canyoning weekend, France, 2017.
7. www.ladepeche.fr – Gironde un triathlète décède d’une leptospirose – 2018-05-31
8. G. André-Fontaine, «Waterborne Leptospirosis: Survival and Preservation of the Virulence of Pathogenic Leptospira spp. in Fresh Water. »Curr Microbiol. 2015 Jul;71(1):136-42.
9. Watrin M. Étude descriptive des cas de leptospirose diagnostiqués en Normandie sur la période 2010-2014. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2016: 1-28.
10. Van de Werve, C. (2010-2011). Leptospirose et voyages. Bordeaux: Université Victor Segalen.
11. Patrick Hochedez, Jacques Rosine, Rafaelle Théodose, Sylvie Abel, Pascale Bourhy, Mathieu Picardeau, Philippe Quénel, and André Cabié. Outbreak of Leptospirosis after a Race in the Tropical Forest of Martinique. Am. J. Trop. Med. Hyg., 84(4), 2011, pp. 621–626.
12. Sejvar, J., E. Bancroft, et al. (2003). « Leptospirosis in « Eco- Challenge » athletes, Malaysian Borneo, 2000. » Emerg Infect Dis 9(6): 702-7.
13. De Vries SG et coll. : Travel-related leptospirosis in the Netherlands 2009-2016: An epidemiological report and case series. Travel Med Infect Dis., 2018; 24: 44-50.
14. Avis du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France, relatif aux Recommandations pour la prévention de la leptospirose en population générale, séance du 30 septembre 2005

Regards sur la Leptospirose n°17

Cyril WARMBERG,

Médecin du travail, exerçant dans le service autonome de Disneyland Paris

Entretien des espaces verts : le risque de leptospirose existe !

Le risque de leptospirose chez les jardiniers-paysagistes semble actuellement en augmentation. Médecin du travail, exerçant dans le service autonome de Disneyland Paris et auteur d’un mémoire de recherche sur ce thème, le Docteur Cyril Warmberg, répond à nos questions.

« Des populations comme les jardiniers sont désormais remontées dans les statistiques de cas déclarés de leptospirose. »

Quelles raisons vous ont conduit à vous intéresser à la leptospirose ?

Cyril WARMBERG. La France est un des pays d’Europe dont l’incidence est la plus élevée, avec un cas pour 100 000 habitants et environ 600 cas dénombrés en 2017. Pendant très longtemps les jardiniers de la destination étaient suivis par la MSA (mutuelle sociale agricole). Lorsque j’ai récupéré leurs dossiers médicaux, j’ai souhaité venir étudier sur place leur poste de travail afin d’observer les méthodes utilisées pour entretenir la végétation de Disneyland Paris. C’est à cette occasion que j’ai constaté qu’ils faisaient face à des situations au cours desquelles ils pouvaient être contaminés par des leptospires. Ainsi, ai-je remarqué qu’ils descendaient dans les bassins pour faire l’entretien des berges, qu’ils avaient accès à des vannes d’eau dans des trappes immergées et que par temps de pluie, ils travaillaient bien souvent dans la boue. Toutes ces conditions sont favorables à une contamination par les leptospires.

Les employés dont vous vous occupez étaientils informés des risques qu’ils encouraient ?

CW. Lorsque je leur ai parlé de la leptospirose, j’ai constaté qu’ils ne connaissaient guère la maladie et n’avaient aucune conscience des risques. De fait, dans la littérature scientifique les jardiniers paysagistes ne font pas partie des professions les plus exposées. Ils se situent en 6ème position, bien loin derrière les égoutiers, les agriculteurs et éleveurs ou les travailleurs du BTP. Mais des enquêtes plus récentes suggèrent qu’aujourd’hui ils seraient à la troisième place. Il était donc important de les sensibiliser à cette maladie.

Vous venez de publier un travail de recherche portant sur ces populations. Votre mémoire rappelle justement que ce risque est en croissance chez les jardiniers-paysagistes. Comment expliquer ce phénomène ?

CW. La leptospirose est reconnue comme maladie professionnelle et inscrite au tableau 19A du régime général de la Sécurité Sociale et au tableau 5 du régime agricole. Les populations qui étaient les plus concernées il y a quelques années bénéficient aujourd’hui d’un suivi très régulier basé sur le port d’équipements de protection (EPI), la modification des processus de travail, et surtout une vaccination préventive. Ces mesures efficaces de prévention ont permis de faire chuter le risque dans ces professions très exposées. Comme ces professionnels sont beaucoup mieux protégés, des populations comme les jardiniers, pour qui le risque a été sous-estimé sont désormais remontées dans les statistiques de cas déclarés.

Une étude épidémiologique menée naguère en Suisse suite à un cas de leptospirose avait établi que 12% des rats présents dans les parcs de Zurich étaient infectés par la bactérie ? L’augmentation du risque est-elle liée au développement de ces populations de nuisibles ?

CW. La leptospirose se contracte au contact d’eau ou de boues souillées par des urines d’animaux, domestiques ou sauvages, affectés par la maladie. Les muqueuses (notamment oculaires) et les plaies, sont la porte d’entrée de la bactérie dans l’organisme. Je ne connais pas le nombre de rats évoluant dans nos parcs, mais il est clair que ce nombre ne cesse d’augmenter. Ceci est vrai tant au niveau des villes que sur notre site. Nous avons d’ailleurs un service dédié à la lutte contre les nuisibles, qui veille à éviter toutes les circonstances favorisant leur développement. Ce service organise des inspections régulières de tous les bâtiments du site et fait des recommandations afin de supprimer les conditions favorisant le développement de ces populations. Nous portons une attention particulière à l’évacuation des déchets, nous veillons à ce qu’aucune nourriture ne traîne. Pour éradiquer ces nuisibles nous n’utilisons pas de produits de dératisation chimiques, mais avons disposé des pièges à rats dans tous les bâtiments.

PROFESSIONS VERTES ET VERDISSANTES :

Les professions vertes et verdissantes, c’està- dire les métiers ayant une finalité environnementale ou dont l’exercice peut être affecté par l’environnement, représentent près de 4 millions d’emplois en France. Ainsi donc, 14,6% des emplois seraient liés de près ou de loin à l’environnement. Outre l’agriculture et l’élevage, on retrouve ces professions dans un panel de secteurs très large, production et distribution d’eau, métiers du bâtiment, transports ou encore sylviculture et entretien des espaces verts. De part leur contact rapproché avec la nature, ces métiers sont plus exposés que d’autres au risque de leptospirose.

« Il est important que les salariés soient conscients du fait que la leptospirose n’est pas une infection banale. »

Pour plus d’information :
www.leptospirose-prevention.fr
ou leptospirose@imaxio.com
Quelles autres actions menez-vous ?

CW. Notre entreprise a une importante culture de la prévention ; nous disposons d’un service médical autonome composé de 8 médecins et 13 infirmières pour l’ensemble des 16 000 salariés. Nous avons en outre un grand pôle prévention constitué d’ingénieurs en sécurité du travail qui analysent les risques auxquels sont soumis nos employés. Nos deux pôles mènent ainsi des actions conjointes. Grâce à cette culture de la prévention, nos salariés sont de plus en plus sensibilisés à la maladie.

Comment les employés se protègent-ils ? Ces actions sont-elles suffisantes ?

CW. Lorsque j’ai débuté mon étude, les jardiniers ne se protégeaient pas contre la leptospirose. Et pourtant, mon étude d’observation avait montré qu’ils y étaient exposés… C’est dans ce cadre que nous avons organisé une séance de prévention. Les salariés ont apprécié qu’on les informe et qu’on leur propose des solutions pour maîtriser ce risque.

Quelles actions avez-vous menées et pour quels résultats ?

CW. Concernant les équipements, ils ont tous accepté de changer de modèle de gants et d’opter pour des dispositifs plus résistants et plus protecteurs. Ils ont également volontiers adopté les lunettes de sécurité qui préservent des projections d’eau contaminée dans l’oeil. En complément une vaccination leur a été proposée, et certains l’ont accepté.

Quels autres conseils leur avez-vous donné ?

CW. Il est important que les salariés soient conscients du fait que la leptospirose n’est pas une infection banale. On dénombre 23 sérotypes de Leptospira Interrogans. Parmi elles le sérogroupe Icterohaemorrhagiae est à l’origine des formes les plus sévères de la maladie. Ce sérogroupe est impliqué dans 1/3 des leptospiroses recensées ; Il est identifié dans les 2/3 des cas hospitalisés en France. Les cas graves peuvent évoluer vers une défaillance multiviscérale caractérisée par une insuffisance rénale, une atteinte méningée ou pulmonaire, et un ictère. Dans 20 % des cas elle se complique d’un syndrome hémorragique potentiellement mortel. C’est la raison pour laquelle nous insistons auprès des salariés pour qu’ils consultent immédiatement leur médecin généraliste en cas de fièvre ou de symptôme grippal. Il est essentiel que leur médecin sache que le salarié appartient à une catégorie professionnelle à risque de leptospirose. En effet si un antibiotique est administré rapidement, l’infection peut être jugulée et la guérison peut ne laisser aucune séquelle. Cependant, si on attend trop longtemps -et particulièrement lorsqu’il s’agit de leptospirose Ictérohémorragique-, une hospitalisation s’impose. Les séquelles peuvent être importantes.

Références bibliographiques

1. Rapports d’activité 2017 et précédents du Centre National de Référence de la Leptospirose –Inst. Pasteur Paris
2. Rapport du Groupe de Travail du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique en France. Nouvelles recommandations relatives à la prévention du risque chez les personnes exposées à la leptospirose (présenté et adopté lors de la séance du CSHPF du 18 mars 2005)
3. Watrin M. Étude descriptive des cas de leptospirose diagnostiqués en Normandie sur la période 2010-2014. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2016: 1-28
4. Décret no 2009-1194 du 7 octobre 2009 révisant et complétant les tableaux de maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale
5. Décretn°2007-1121, Journal Officiel du 9/07/07 (Code de la Sécurité Sociale)
6. Adler H, Vonstein S, Deplazes P, Stieger C, Frei R. Prevalence of Leptospira spp. in various species of small mammals caught in an inner-city area in Switzerland. Epidemiol Infect 2002;128:107-9

Regards sur la Leptospirose n°16

M. Gérald Guédon,

Directeur Scientifique de Polleniz
(Réseau FREDON-FDGDON Pays de la Loire)

Les piégeurs, bénévoles essentiels dans la prévention de la leptospirose

Chaque année, les piégeurs se mobilisent à travers la France pour lutter contre des espèces exotiques envahissantes ou classées comme susceptibles d’occasionner des dégâts. Parmi elles figurent le ragondin et le rat musqué. Outre leurs impacts sur l’environnement et certaines cultures, elles véhiculent des maladies transmissibles à l’homme, dont la leptospirose, plus connue sous le nom de « maladie des rats ». Régulièrement, des cas sévères ou mortels de leptospirose sont observés en France et parmi les piégeurs. Quel est l’état des lieux en France quant à la répartition de la maladie au sein des populations de ces rongeurs ? Quels sont les risques pour les piégeurs ? Quels moyens mettre en place en termes de prévention pour les piégeurs qui agissent au service de la collectivité, à la fois pour la santé publique et la préservation de l’environnement ?

« Un taux de
prévalence moyen de
la leptospirose de 50%
chez le ragondin en
France métropolitaine. »

Avec 302 000 animaux capturés et 2500 piégeurs actifs rien qu’en Pays de la Loire en 2016, Gérald Guédon, Directeur Scientifique de Polleniz et ancien Directeur de la FREDON Pays de la Loire (Fédération Régionale de lutte et de Défense contre les Organismes Nuisibles), connaît très bien les risques liés aux espèces exotiques envahissantes dont font partie les ragondins et les rats musqués. Aujourd’hui répartis sur la majorité du territoire, la régulation de leur population se pose. Détruisant les berges des cours d’eau et des canaux en zones de marais, l’impact de ces animaux s’observe rapidement dans les milieux qu’ils colonisent : écroulement de berges, dégradation d’ouvrages d’art et de digues, affaissement des chemins de halage, cultures consommées, détérioration de frayères, consommation d’espèces à forte valeur patrimoniale… Mais outre les risques environnementaux, ces espèces sont porteuses de maladies, dont une importante : la leptospirose. Selon une étude menée en 2008 sur 613 ragondins et rats musqués dans plusieurs régions de France métropolitaine, 44,8% d’entre eux étaient positifs à la leptospirose.(1) Plusieurs autres études ont été menées en France ces dernières années : elles ont montré un taux de prévalence moyen de la leptospirose de 50 % chez le ragondin.(2) Le piégeage n’est donc pas sans risque pour le piégeur. Ragondins et rats musqués sont porteurs asymptomatiques (= porteurs sains) de la leptospirose(3) : il est donc impossible pour un piégeur d’identifier si l’animal est atteint de la maladie ou non. Parmi les facteurs de risque de développement chez l’homme, il y a le contact direct avec les animaux infectés, mais aussi le contact avec des végétaux ou une eau souillée par l’urine de ragondins, de rats musqués ou d’autres animaux porteurs comme le campagnol, le rat surmulot ou le renard.(1,4,5) Une simple écorchure, un contact avec les muqueuses ou une peau macérée peuvent suffire à créer une porte d’entrée pour la bactérie et infecter le piégeur.

On peut en guérir après quelques semaines de traitement, si le diagnostic est posé à temps, mais certains en meurent aussi parfois. Comme le souligne Gérald Guédon, « c’est vrai qu’il y a rarement une année sans un décès dans la région. » La forme ictérohémorragique de la maladie, la plus sévère et la plus mortelle dans le monde pour l’homme, représente 2/3 des cas sévères en France métropolitaine(6) : elle provoque notamment des atteintes rénales et hépatiques conduisant le plus souvent en service de réanimation voire jusqu’à la mort. Selon l’étude menée dans plusieurs régions de France en 2008, 77% des ragondins positifs à la leptospirose étaient porteurs du sérogroupe Icterohaemorrhagiae, responsable de la forme la plus sévère et la plus mortelle de la maladie chez l’homme.(1) D’autres études réalisées en France montrent qu’icterohaemorrhagiae est très souvent prépondérant chez le ragondin.(2)

Le saviez-vous ?

Les ragondins et les rats musqués sont classés organismes nuisibles en France, au titre de l’agriculture, selon l’arrêté ministériel du 31 juillet 2000 établissant la liste des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et autres objets soumis à des mesures de lutte obligatoire. C’est à ce titre que les piégeurs participent à leur lutte par l’intermédiaire des FDGDON (Fédération Départementale des Groupements de Défense contre les Organismes Nuisibles) et des FREDON (Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles), ainsi que par les Associations de piégeurs en France (UNAPAF).

Le saviez-vous ?

Plusieurs centaines de cas de leptospirose humaine sont recensés chaque année. De 2014 à 2016, ce sont environ 600 cas par an de leptospirose humaine qui ont été déclarés en France métropolitaine, soit plus d’un cas par jour(10), contre 385 cas en 2013(11). Ce nombre de cas est probablement sous-estimé : en cause, la difficulté du diagnostic clinique et une déclaration non obligatoire de la maladie dans de nombreux pays dont la France.

Pour plus d’information :
www.leptospirose-prevention.fr
ou leptospirose@imaxio.com

L’importance de protéger les piégeurs

La presse rapporte régulièrement des cas graves ou mortels de leptospirose humaine parmi les piégeurs, au contact fréquent de ragondins et de rats musqués. Dans la région de l’Aisne en 2012, la leptospirose a fait deux victimes parmi les piégeurs en peu de temps. L’un d’eux s’est fait mordre par un ragondin qu’il croyait avoir tué. Au moment de l’attraper, l’animal s’est retourné et l’a mordu à la main. Dans les 24 heures qui ont suivies, l’homme est décédé.(7) En 2013, un chasseur de gibier d’eau de Gironde décédait des suites d’une leptospirose : une grippe avait été diagnostiquée au départ.(8) Toujours dans l’Aisne, un garde avait contracté la leptospirose. Le diagnostic réalisé de justesse par son médecin, qui connaissait la maladie, avait permis de gagner du temps précieux. L’homme avait toutefois effectué un long séjour à l’hôpital.(9)

Les piégeurs agissent de manière bénévole, à la fois pour la santé publique et la préservation de l’environnement. Ils assurent de ce fait une mission de service public. Comme le souligne Gérald Guédon, les piégeurs prennent leur rôle au sérieux : « c’est pour le bien de la collectivité que les piégeurs agissent, et aussi pour leur plaisir car ils aiment la nature et se sentent utiles dans cette action. » Au contact étroit de vecteurs de la leptospirose, ils sont ainsi confrontés régulièrement au risque d’être contaminé, bien que d’autres maladies soient également transmises par les rongeurs. La formation des piégeurs aux gestes simples de prévention de la leptospirose paraît indispensable. Un engagement fort et soutenu doit être mené auprès d’eux, pour continuer de manière durable à réguler cette espèce et participer de ce fait à la prévention de la leptospirose.

Parce que la leptospirose n’arrive pas qu’aux autres, les familles des victimes rappellent l’importance d’informer sur la maladie, sur ses conséquences et sur l’ensemble des moyens de prévention disponibles. Chaque piégeur doit être conscient du risque et des moyens dont il dispose pour prévenir la maladie. Car les risques sont multipliés lors du piégeage : une activité pratiquée en eau douce, milieu favorable au développement des bactéries responsables de la leptospirose, et un contact étroit avec les rongeurs, principaux vecteurs de la maladie. Gérald Guédon précise : « nous rappelons systématiquement les risques de la leptospirose au sein des FDGDON des Pays de la Loire lors des réunions locales annuelles de nos piégeurs bénévoles ».

Références bibliographiques

1. Aviat F et al. Leptospira exposure in the human environment in France: A survey in feral rodents and in fresh water, Comp Immunol Microbiol Infect Dis (2008), doi: 10.1016/j.cimid.2008.05.004
2. Croizier Pierre. Rôle des ragondins dans l’épidémiologie des leptospiroses en zone humide : exemple de la Dombes. Lyon, France : Université Claude Bernard Lyon 1 ; 2010.
3. Vein Julie. Étude de la place du Ragondin (Myocastor coypus) dans le cycle épidémiologique de la leptospirose et dans la contamination du milieu aquatique en zones humides à partir de deux populations de l’est de la France. Santé publique et épidémiologie. Lyon, France : Université Claude Bernard Lyon 1 ; 2013
4. Fischer et al. Leptospira Genomospecies and Sequence Type Prevalence in Small Mammal Populations in Germany. Vector-borne and zoonotic diseases. 2018.
5. Zmudzki et al. Seroprevalence of 12 serovars of pathogenic Leptospira in red foxes (Vulpes Vulpes) in Poland. Acta Veterinaria Scandinavica. 2018; 60(34) : 1-9.
6. Estavoyer JM et al. Leptospirose en Franche-Comté: données cliniques, biologiques et thérapeutiques. Médecine et Maladie Infectieuses 43. 2013: 379-385
7. Yves-Marie Lucot. « La maladie du rat a déjà tué », Le Courrier Picard, avril 2012.
8. Florence Moreau. « Il meurt après avoir été contaminé par un rongeur », Sud-Ouest, 4 décembre 2013.
9. « La leptospirose tue encore deux fois », Nos chasses « spécial piégeage », novembre 2012.
10. Rapport annuel d’activité 2017 pour l’année 2016 du Centre National de Référence de la Leptospirose – Inst. Pasteur Paris 11. Rapport annuel d’activité 2014 pour l’année 2013 du Centre National de Référence de la Leptospirose – Inst. Pasteur Paris

Regards sur la Leptospirose n°15

Dr Pascale BOURHY,

Directrice Adjointe du Centre National
de Référence de la Leptospirose à
l’Institut Pasteur

Incidence de la leptospirose en France : une recrudescence qui s’installe

Alors que le nombre de cas de leptospirose avait doublé en 2014 et 2015 par rapport aux années précédentes, les derniers chiffres publiés par le Centre National de Référence de la Leptospirose (CNRL) pour 20161 confirment la recrudescence de la maladie, avec 600 cas en moyenne par an sur les 3 dernières années en France métropolitaine. Si l’incidence liée à des activités de loisirs en milieu aquatique augmente, la leptospirose reste une maladie professionnelle qui touche différents métiers. Quel est l’état des lieux en Métropole et en Outre-Mer ?

« L’augmentation du nombre de cas de leptospirose sur notre territoire s’installe de manière durable depuis 2014. »

Elle pourrait être due au réchauffement climatique, à la hausse des comportements à risques liée à l’engouement pour les sports aquatiques ainsi qu’à la meilleure performance des kits de diagnostic. En tout cas, selon le Dr Pascale Bourhy Responsable Adjointe du Centre National de Référence de la Leptospirose, une chose est sûre : l’augmentation du nombre de cas de leptospirose sur notre territoire s’installe de manière durable depuis 2014.

En Métropole, pour la troisième année consécutive, près de 600 cas ont été comptabilisés en 2016, avec une incidence supérieure à 0,9 cas pour 100 000 habitants. Comme les années précédentes, le sérogroupe Icterohaemorrhagiae est le principal sérogroupe retrouvé chez les cas diagnostiqués (39% des cas en 2016 ; 28-37% des cas sur la période 2011-2015).

Les régions Nouvelle Aquitaine, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Corse, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur sont les plus touchées, avec une incidence supérieure à 1 cas pour 100 000 habitants. Les moins touchées sont les Hautes-de-France et l’Ile-de-France.

Le nombre de cas est plus élevé entre juillet et septembre, période où les activités de loisirs en extérieur ainsi que les activités agricoles sont plus nombreuses(2).

2013 2014 2015 2016 2016
Nombre de cas Nombre de cas Nombre de cas Nombre de cas Incidence / 100 000 hab.
Auvergne-Rhône-Alpes 99 58 93 85 1,08
Bourgogne-Franche-Comté 47 33 47 37 1,31
Bretagne 22 46 34 41 1,24
Centre-Val de Loire 9 39 23 20 0,77
Corse 6 6 5 4 1,22
Grand Est 16 48 48 46 0,82
Hauts-de-France 16 52 44 33 0,55
Ile-de-France 37 93 72 76 0,63
Normandie 14 54 31 31 0,93
Nouvelle-Aquitaine 45 78 83 83 1,41
Occitanie 28 37 50 47 0,81
Pays de la Loire 34 53 35 37 1,00
Provence-Alpes-Côte d’Azur 12 30 66 52 1,04
total Métropole 385 627 631 592 0,93

Incidence de la leptospirose par région en Métropole(1)

Le saviez-vous ?

Historiquement, la leptospirose est associée à un risque professionnel. Parmi les différents noms qui lui ont été donnés depuis sa première description à la fin du XIXe siècle, nombreux sont ceux qui évoquent des métiers concernés par la maladie : maladie des égoutiers, fièvre des coupeurs de joncs, fièvre des champs, fièvre des marais, maladie des porchers, fièvre de la canne à sucre, fièvre des rizières, fièvre des ramasseurs de pois…  Ils en montrent bien la diversité(4,8).

Dans les régions d’Outre-Mer, 660 cas ont été recensés en 2016. Ces régions, qui sont soumises à une saison des pluies et à des phénomènes climatiques extrêmes, sont particulièrement touchées parla leptospirose. L’incidence est 5 fois plus élevée à La Réunion qu’en Métropole, et 70 fois plus à Mayotte. Le CNRL précise que le nombre de cas est sous-estimé du fait des faiblesses des  systèmes de surveillance mis en place et du manque de sensibilisation des médecins locaux. A noter que Mayotte est le seul de ces territoires où le sérogroupe Icterohaemorrhagiae n’est pas présent.

2016 2016
Nombre de cas Incidence / 100 000 hab.
Guadeloupe 116 29
Martinique 117 29
Guyane 46 19
Ile de la Réunion 45 5
Mayotte 155 71
Polynésie française 111 40
Nouvelle-Calédonie 70 24
Total Outre-Mer 660

Incidence de la leptospirose dans les régions d’Outre-Mer(1)

Pour plus d’information :
www.leptospirose-prevention.com
ou leptospirose@imaxio.com

Une origine professionnelle dans 1/3 des cas…

Professions à risque 2001 – 2003 CNRL national 2010 – 2014 ARS Normandie
Agriculture ou élevage 42% 46%
Pisciculteurs 4% 15%
Eboueurs 8%
Stations épuration-déchets 2% 8%
BTP et travaux publics 23% 8%
Jardiniers, paysagistes 9% 8%
Sapeurs-pompiers plongeurs 8%
Eaux et Forets 4%
Filière alimentaire 4%
Militaires 3%
Égouts-voiries 2%
Autres 6%

Répartition des expositions professionnelles à risque parmi les cas recensés par le CNRL en 2001-2003 et l’ARS Normandie en 2010-2014(3,5)

Selon les données épidémiologiques disponibles pour la France métropolitaine, environ un tiers des cas de leptospirose sont associés à une exposition professionnelle. Ainsi, l’étude faite par le CNRL sur la période 2001 à 20033 montre que 37% des cas recensés et documentés sur cette période concernent des patients exerçant une activité professionnelle à risque.
A une échelle plus réduite, une étude des leptospiroses diagnostiquées au CHU de Rouen entre 1995 et 2012 montre une contamination professionnelle dans 24% des cas, soit 10 sur 414. Trois de ces patients étaient agriculteurs, trois étaient ouvriers des espaces verts. Les autres n’exerçaient pas une activité professionnelle initialement jugée à risque. Toutefois, il y avait parmi eux un chauffeur poids lourd qui avait été en contact avec des animaux pouvant être contaminés lors d’un transport de bétail, ainsi qu’un chef d’atelier qui avait manipulé sur son lieu de travail des cartons détrempés par l’eau, à proximité d’une entreprise récemment dératisée.
Toujours en Normandie, une étude menée par l’Institut de Veille Sanitaire a permis de caractériser la population touchée par la leptospirose sur la période 2010-20145. Elle montrait également qu’un tiers des cas de leptospirose avait une exposition professionnelle, mais surtout que 54% des patients de Normandie qui étaient en activité au moment de la survenue de la maladie exerçaient une profession à risque. Même si l’origine de la contamination n’a pas pu être confirmée, la leptospirose dans cette région particulièrement touchée est bien plus fréquemment associée à une exposition professionnelle qu’à une activité récréative.
Déjà importante en Métropole, la proportion des cas associés à une exposition professionnelle augmente de manière significative dans les régions d’Outre-Mer. En Guyane, une étude menée sur la période 2007-2014 dans les hôpitaux de Cayenne et de Saint-Laurent du Maroni a révélé une activité professionnelle à risque dans 64% des cas (31/48)6,7.

Selon les données épidémiologiques disponibles pour la France métropolitaine, environ un tiers des cas de leptospirose sont associés à une exposition professionnelle. Ainsi, l’étude faite par le CNRL sur la période 2001 à 20033 montre que 37% des cas recensés et documentés sur cette période concernent des patients exerçant une activité professionnelle à risque.
A une échelle plus réduite, une étude des leptospiroses diagnostiquées au CHU de Rouen entre 1995 et 2012 montre une contamination professionnelle dans 24% des cas, soit 10 sur 414. Trois de ces patients étaient agriculteurs, trois étaient ouvriers des espaces verts. Les autres n’exerçaient pas une activité professionnelle initialement jugée à risque. Toutefois, il y avait parmi eux un chauffeur poids lourd qui avait été en contact avec des animaux pouvant être contaminés lors d’un transport de bétail, ainsi qu’un chef d’atelier qui avait manipulé sur son lieu de travail des cartons détrempés par l’eau, à proximité d’une entreprise récemment dératisée.
Toujours en Normandie, une étude menée par l’Institut de Veille Sanitaire a permis de caractériser la population touchée par la leptospirose sur la période 2010-20145. Elle montrait également qu’un tiers des cas de leptospirose avait une exposition professionnelle, mais surtout que 54% des patients de Normandie qui étaient en activité au moment de la survenue de la maladie exerçaient une profession à risque. Même si l’origine de la contamination n’a pas pu être confirmée, la leptospirose dans cette région particulièrement touchée est bien plus fréquemment associée à une exposition professionnelle qu’à une activité récréative.
Déjà importante en Métropole, la proportion des cas associés à une exposition professionnelle augmente de manière significative dans les régions d’Outre-Mer. En Guyane, une étude menée sur la période 2007-2014 dans les hôpitaux de Cayenne et de Saint-Laurent du Maroni a révélé une activité professionnelle à risque dans 64% des cas (31/48)6,7.

Références bibliographiques

1. Rapport d’activité 2016, Centre National de Référence de la Leptospirose, Institut Pasteur.
2. Bourhy P, Septfons A, Picardeau M. Diagnostic, surveillance et épidémiologie de la leptospirose en France. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):131-7.
3. BarantonGet Postic D. La leptospirose en France de 2001 à 2003, Synthèse réalisée parle CNRdes leptospires, Institut Pasteur, Paris.
4. Fasquel J. Etude rétrospective des leptospiroses diagnostiquées au CHU de Rouen entre 1995 et 2012. Th. D. Pharm., Rouen, 2014, 130 p.
5. Watrin M. Etude descriptive des cas de leptospirose diagnostiqués en Normandie sur la période 2010-2014. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2016. 28 p.
6. Le Turnier P, et al. 0368. Human leptospirosis in French Guiana: first multicentric transversal study (2007-2014). 26th European Congress of Clinical Microbiology and Infectious Diseases (ECCMID); 9-12 April 2016, Amsterdam, Netherlands.
7. Epelboin L, et al. La leptospirose humaine en Guyane : état des connaissances et perspectives. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):168-75.
8. Peyrethon C. “Leptospirose―Quels Moyens De Prévention En Milieu Professionnel ?” Archive Des Maladies Professionnelles Et De L’environnement 73, no. 1 (2012) : 37–47.

Regards sur la Leptospirose n°14

Les infirmiers de santé au travail, acteurs clés de la prévention contre la leptospirose

La nouvelle loi travail entrée en vigueur le 1er janvier 2017 apporte des changements dans le suivi de la santé des salariés, en renforçant notamment la mobilisation des professionnels de santé au service de la prévention.(1) Dans ce dispositif, les infirmiers de santé au travail jouent un rôle de premier plan, que ce soit dans le privé ou dans le public. Qu’en est-il pour la leptospirose ?

 

Trois infirmières partagent leur expérience…

« Beaucoup d’entreprises extérieures interviennent, leurs employés sont exposés aux mêmes risques que nos agents. »

« Sur notre Site de Seine Aval, beaucoup d’agents par leurs métiers sont concernés par la leptospirose : opérateurs qui gèrent les eaux usées, agents de maintenance mécanique ou électrique, personnel de laboratoire qui analyse les eaux sales et les boues…

Nous suivons les agents concernés en accord avec les recommandations nationales. Nos agents sont bien conscients du risque biologique, donc le port des équipements de protection individuelle et la vaccination sont globalement bien acceptés. Parmi ces moyens de prévention, nous avons mis en place la vaccination contre la leptospirose en 1987.(2) Aujourd’hui, j’assure le suivi de plus de 800 agents exposés à la leptospirose par an.

Lors de la première visite préventive, préalable à l’embauche, le nouvel agent est vu par le médecin de prévention, qui définit après une analyse individuelle des risques, les moyens de protection et de prévention à mettre en place et décide, en accord
avec l’agent et son responsable, si la vaccination est indiquée. Lors des entretiens infirmiers, je mets également l’accent sur l’éducation et la prévention, en rappelant ce risque et comment s’en protéger. L’objectif de notre médecin est de voir tous les salariés tous les deux ans.

Une caractéristique de notre site est que beaucoup d’entreprises extérieures interviennent. Leurs employés sont exposés aux mêmes risques que nos agents. Notre équipe médicale est là pour les conseiller et les orienter vers leur médecin du travail. Dans le cas de gros chantiers, il m’arrive aussi d’organiser des réunions d’information sur le site afin de sensibiliser le plus grand nombre. »

Les leptospires classés agents biologiques de type 2(3)
Les agents biologiques de type 2 peuvent provoquer une maladie chez l’homme et constituer un danger pour les travailleurs, dont la propagation dans la collectivité est peu probable, et contre lesquels il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficace. La nouvelle loi travail prévoit que les personnes exposées aux agents biologiques de type 2 devront être vues par un professionnel de santé (un médecin du travail, un infirmier de santé au travail par délégation via un protocole) lors d’une visite d’information et de prévention préalable à la prise de poste, puis au cours de visites médicales périodiques à programmer au maximum tous les 5 ans et à adapter selon les besoins.(1)

« Le risque n’est pas toujours déclaré par l’entreprise dans le dossier du salarié. Il est important de sensibiliser les employeurs à ces risques. »

« Sur le secteur de Juvisy, je réalise le suivi d’environ 250 salariés directement concernés par le risque de leptospirose, au sein d’une dizaine d’entreprises du BTP. Il s’agit essentiellement de canalisateurs, de personnes qui travaillent sur les réseaux d’assainissement, mais j’ai aussi une entreprise qui travaille dans la réhabilitation des marais et des berges des rivières, où l’on trouve des ragondins porteurs de la maladie.

Les personnes exposées aux agents biologiques de type 2 doivent être vues par le médecin du travail lors de la visite initiale d’information et de prévention. Cependant, le risque n’est pas toujours déclaré par l’entreprise dans le dossier du salarié. Il est important de sensibiliser les employeurs à ces risques pour que le meilleur suivi individuel puisse être mis en place. Les visites sont l’occasion de sensibiliser les salariés exposés et de refaire un point avec eux sur ce qu’est la leptospirose, comment on l’attrape, les symptômes, les mesures préventives, la nécessité de bien laver ses vêtements de travail et entretenir ses EPI… Ce temps d’échange (lui aussi piqûre de rappel !) est important.

En général, lors de sessions d’information au siège de l’entreprise ou sur un chantier, j’insiste surtout sur l’importance d’avoir une bonne hygiène, en premier lieu de ne pas porter ses mains sales à la bouche, que ce soit pour boire, pour manger ou pour fumer. Je fais aussi un parallèle avec la grippe, dont les symptômes sont similaires, mais avec une différence de taille : la leptospirose nécessite un traitement antibiotique. Il est donc important de se rendre chez son médecin traitant en présence de symptômes grippaux et de bien l’informer de son activité professionnelle afin qu’il pense aussi à la leptospirose. »

Pour plus d’information :
www.leptospirose-prevention.com
ou leptospirose@imaxio.com

« Je vais évaluer pour le médecin si l’exposition au risque de leptospirose dans cette entreprise est faible, moyen ou important. »

Accompagner les petites entreprises dans l’identification et la prévention des risques

 

« Sur le département, j’assure le suivi du risque de leptospirose dans des entreprises du BTP, des écluses et des berges des voies fluviales, et chez des agents qui aménagent des espaces verts proches de cours d’eau, par exemple.

Si le risque de leptospirose est détecté chez un salarié d’une nouvelle entreprise lors de la visite médicale, le rôle du médecin du travail est de sensibiliser l’entreprise et lui suggérer d’intégrer la leptospirose dans son Document unique d’évaluation des risques professionnels (DU ou DUERP).

Récemment , ce fût le cas d’une PME qui installe des canalisations. Le médecin a constaté un risque de leptospirose et m’a demandé de prendre contact avec la dirigeante. Elle ne connaissait pas la maladie, donc je lui ai donc expliqué, je lui ai envoyé de la documentation et je lui ai proposé d’organiser une séance de sensibilisation pour les salariés. En même temps, je vais évaluer pour le médecin si l’exposition au risque de leptospirose dans cette entreprise est faible, moyen ou important, ce qui permettra de définir les mesures de protection individuelles à mettre en place, et en particulier d’estimer si la vaccination est nécessaire pour certains salariés.

Il est parfois difficile pour les petites structures de gérer le document unique. Notre rôle est de les accompagner. Ont-elles pensé à inscrire le risque lié à la leptospirose dans le DU ? Le risque a-t-il été identifié ? Ont-elles listé les moyens de protection individuelles et de prévention primaire qu’elles ont mis en place ? Lors des séances de sensibilisation, mon rôle en tant qu’infirmière de Santé au Travail est également d’attirer l’attention des salariés exposés sur les mesures d’hygiène les plus élémentaires, qui sont simples et efficaces . »

Références bibliographiques

1. Décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail
2. Avis du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique en France relatif aux recommandations pour la prévention de la leptospirose en cas d’activité professionnelle à risque (séance du 18 mars 2005)
3. Les risques biologiques en milieu professionnel, INRS, ED6034, Juin 2014

Regards sur la Leptospirose n°13

Sophie Fantoni-Quinton,

Professeur des Universités, Praticien
Hospitalier, Docteur en Droit,
Université de Lille 2 / CHRU Lille

Fonction publique et prévention : quelle responsabilité de l’employeur public ?

En mars 2016, la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques) publiait un numéro relatif à la prévention des risques professionnels et, notamment, aux mesures mises en oeuvre par les employeurs publics et privés. Le constat est sans appel, les stratégies de prévention des risques professionnels ont été moins actives dans la fonction publique. Seulement 50% des établissements, toutes fonctions publiques confondues, ont déclaré avoir élaboré ou révisé leur Document Unique d’Evaluations des Risques (DUER), corollaire nécessaire à la mise en oeuvre des stratégies de prévention.

« Si l’employeur public

n’a pas mis en place

les moyens de prévention adéquats,

on lui reprochera un manquement

à l’obligation de sécurité de résultat »

Interview – Sophie Fantoni-Quinton : Professeur des Universités, Praticien Hospitalier, Docteur en Droit, Université de Lille 2 / CHRU Lille

La leptospirose est-elle une préoccupation de la santé-travail intéressant la fonction publique ?

Sophie Fantoni-Quinton. La leptospirose a récemment fait l’objet d’un dossier par le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire BEH (avril 2017) où ses auteurs s’accordent à dire que ce risque est récurrent. On comptabilise de plus en plus de cas de leptospirose malgré l’intérêt relatif porté à cette maladie. Elle fait partie de la liste des agents biologiques de type II c’est-à-dire que ce risque biologique ne nécessite pas de suivi renforcé (comme pour les agents biologiques de type III et IV) mais il nécessite tout de même la mise en place de mesures de prévention adéquate. La DGT (Direction Générale du Travail), suite à la loi du 8 août 2016 et au décret du 27 décembre 2016 modernisant la médecine du travail et les services de santé au travail rappelle bien qu’il n’y a pas de liste de métiers préétablie exposant spécifiquement aux agents biologiques de type II. Ceux-ci se retrouve dans une multitude de secteurs et notamment dans la fonction publique : égoutiers, agents de station d’épuration des eaux, aides à domicile, agents d’entretien des espaces naturels, … En réalité, les agents biologiques de groupe II restent peu connus des services de santé au travail, il faut donc repréciser les recommandations, les bonnes pratiques mais aussi les responsabilités. Sur ce point, la responsabilité des employeurs publics et privés se recoupent même si chaque secteur entretient une spécificité.

Quels sont les risques juridiques et financiers pour l’employeur public ?

SFQ. Il s’agit de s’interroger sur des mises en causes potentielles de la responsabilité de l’employeur public lorsque les mesures de prévention n’ont pas été mises en place. Un manquement à l’obligation de sécurité peut se traduire par la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur en cas de dommage. L’employeur peut être condamné pénalement pour ne pas avoir mis en place la démarche de prévention, y compris dans le cadre d’une infraction involontaire, notamment en cas de non-respect des préconisations du médecin de prévention. Au-delà de la responsabilité de l’employeur, on peut également interroger celle des services de médecine de prévention, car ce sont leurs conseillers.

Quelle est la responsabilité du médecin de prévention ?

SFQ. Le médecin de prévention est le conseiller de la collectivité sur la prévention des risques professionnels. S’il est défaillant dans cette mission et que l’employeur public est condamné, il peut tenter une action récursoire contre le service de médecine de prévention. Soit il a son propre service, (dans les grandes collectivités locales par exemple) il ne va alors pas se retourner contre le service qu’il finance mais peut mettre en oeuvre une sanction disciplinaire. Soit il a fait appel à un service extérieur et on pourrait imaginer que l’employeur public puisse entamer contre celuici une action en justice. Ainsi, dans le secteur privé, des entreprises ont été condamnées sur le plan pénal parce qu’elles n’avaient pas organisé les visites médicales, la chambre criminelle de la cour de cassation considérant que l’entreprise était responsable. L’entreprise s’est par la suite retournée contre le service de santé au travail. On peut donc imaginer que la responsabilité civile des services de prévention puisse être impliquée.

Comment se caractérise concrètement la prévention des agents biologiques ?

SFQ. Les principes généraux de prévention sont codifiés à l’article L. 4121-2 du Code du travail. L’employeur doit éviter les risques ; les évaluer ; les combattre à la source ; adapter le travail à l’homme ; tenir compte de l’évolution de la technique ; remplacer ce qui est dangereux ; planifier la prévention ; prendre des mesures de protection collectives et individuelles ; donner des instructions appropriées aux travailleurs.

Exemples de mesures individuelles de protection contre les agents biologiques :

• Port de gants, bottes, cuissardes, vêtements protecteurs, de lunettes anti projections • Désinfection à l’eau potable et au savon ou à l’aide d’une solution antiseptique de toute plaie ou égratignure, ainsi que leur protection ultérieure par un pansement imperméable.

• Information à l’embauche, régulièrement renouvelée, ciblée sur la maladie, sur l’importance des mesures de protection individuelle et la nécessité de consulter rapidement un médecin en cas de syndrome grippal

• Les salariés régulièrement confrontés à certains agents biologiques peuvent se voir recommander le vaccin par le médecin de prévention (leptospirose par exemple).

« Il faut donc retenir que l’employeur ne peut en aucun cas obliger son salarié à se vacciner.

En revanche, il a une obligation de sécurité de résultat »

Pour plus d’information :
www.leptospirose-prevention.fr
ou leptospirose@imaxio.com
Cas pratique : Obligation de prévention et place de la vaccination : Retour sur la profession d’égoutier dans la ville de Paris

La profession d’égoutier fait figure de profession à risque en termes d’exposition à la leptospirose. Jusqu’à récemment, il existait une différence significative entre les égoutiers de la Ville de Paris et les égoutiers « de province ». En effet, l’arrêté n°76-739 du Préfet de Paris du 24 Août 1976 relatif au recrutement du personnel ouvrier de la Ville de Paris, faisant, en particulier, obligation aux égoutiers de Paris de se vacciner contre la leptospirose. Cette obligation vaccinale a été reconduite par le conseil de Paris dans sa délibération du 22 janvier 1979.

Un recours a été déposé contre la Mairie de Paris se basant sur le principe jurisprudentiel rendant illégale toute tentative d’imposer un vaccin dont l’obligation n’est pas établie par le législateur. (N.B. On compte actuellement 4 vaccinations obligatoires pour certains professionnels, en plus de celles obligatoire en population générale (hépatite B, tuberculose, grippe et typhoïde).

Finalement, le tribunal administratif de Paris dans son jugement du 27 décembre 2012 indique que « si les dispositions des articles L4121-1 et 4121-2 du code du travail, rendues applicable à la ville de Paris par l’article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 obligent l’employeur à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, elles ne lui donnent aucune compétence en matière d’obligation vaccinale ».

Il faut donc retenir que l’employeur ne peut en aucun cas obliger son salarié à se vacciner. En revanche, il a une obligation de sécurité de résultat, ainsi s’il recommande la vaccination, associée aux autres moyens de prévention, que le salarié tombe malade et cherche à engager la responsabilité de son employeur, il pourra faire valoir d’une part cette recommandation et d’autre part la preuve du refus de vaccination par le salarié.

Références bibliographiques

1. La leptospirose dans les régions et départements français d’outre-mer. BEH 8-9. 4 avril 2017. Disponible sur http://invs.santepubliquefrance.fr
2. Bourhy P, Septfons A, Picardeau M. Diagnostic, surveillance et épidémiologie de la leptospirose en France. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):131-7.
3. Pagès F, Kurtkowiak B, Jaffar-Bandjee MC, Jaubert J, Domonte F, Traversier N, et al. Épidémiologie de la leptospirose à La Réunion, 2004-2015. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):137-46.
4. Epelboin L, Le Turnier P, Picardeau M, Schaub R, Petit-Sinturel M, Villemant N, et al. La leptospirose humaine en Guyane : état des connaissances et perspectives. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):168-75.
5. Bertherat E. Éditorial. La leptospirose: une maladie émergente ou un problème émergent ? Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):130.
6. Estavoyer JM et al. Leptospirosis in Franche-Comté (FRANCE): Clinical, biological, and therapeutic data. Med Mal Infect. 2013 Sep;43(9):379-85.
7. Taylor AJ, et al. (2015). A Systematic Review of the Mortality from Untreated Leptospirosis. PLoS Negl Trop Dis 9(6): e0003866.
8. Tortosa P, Dellagi K, Mavingui P. Les leptospiroses dans les îles françaises de l’Océan Indien. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):157-61.
9. Hochedez P, et al. Factors Associated with Severe Leptospirosis, Martinique, 2010-2013. Emerg Infect Dis. 2015 Dec.
10. Herrmann-Storck C et al. Severe Leptospirosis in Hospitalized Patients, Guadeloupe. Emerg Infect Dis. 2010 Feb; 16(2): 331–334.
11. Tubiana S et al. Risk Factors and Predictors of Severe Leptospirosis in New Caledonia. PLoS Negl Trop Dis. 2013 Jan; 7(1): e1991.

Regards sur la Leptospirose n°12

Mathieu Picardeau

Responsable du Centre National de
Référence de la Leptospirose (CNRL)
et Centre Collaborateur de
l’Organistion Mondiale de la Santé
(OMS) pour la leptospirose à l’Institut
Pasteur de Paris.

Nouvelle année record en France pour le nombre de cas de leptospirose

Selon les derniers chiffres publiés par Santé publique France dans un numéro spécial du Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire (BEH)1, la leptospirose a atteint pour la deuxième année consécutive en 2015 une incidence record sur le sol métropolitain, avec 1 cas pour 100 000 habitants. Dans les Départements et Collectivités d’Outre-Mer, elle constitue un problème de santé publique significatif, avec des cas qui peuvent être particulièrement sévères.

Selon Mathieu Picardeau, responsable du Centre National de Référence de la Leptospirose (CNRL), la France métropolitaine est l’un des pays industrialisés les plus touchés par cette maladie2. Avec 631 cas enregistrés en 2015, la forte recrudescence déjà notée en 2014 est confirmée, l’incidence étant deux fois plus élevée qu’en 2011. Dans les Départements et Collectivités d’Outre-Mer (DOM-COM), l’incidence est de 5 à 50 fois plus élevée qu’en métropole. En métropole, ce sont les régions Champagne-Ardenne et Franche- Comté qui ont été les plus touchées en 2015, avec une incidence supérieure à 2 cas pour 100 000 habitants. Depuis 2011, la Franche-Comté a d’ailleurs systématiquement présenté une incidence supérieure à la moyenne nationale, les autres régions les plus touchées étant la Basse-Normandie et l’Aquitaine. A l’inverse, l’Alsace, le Languedoc-Roussillon, la Picardie et la Lorraine sont plus épargnées. Plus de 75% des cas sont des hommes, avec un âge moyen de 45 ans, et un plus grand nombre de cas a été recensé sur chacun des mois d’août à octobre.


Incidence de la leptospirose par région
Source : CNRL

« Rappel :

Dans ses formes les plus sévères,  la leptospirose peut entraîner une insuffisance rénale aiguë, des atteintes neurologiques, des troubles hémorragiques majeurs, une insuffisance respiratoire, et dans certains cas le décès du patient. »

Les DOM-COM : une zone endémique

Si la leptospirose est une zoonose cosmopolite, elle est plus particulièrement favorisée par un climat chaud et humide, en particulier celui des Départements et Collectivités d’Outre-Mer, où la population est plus largement exposée. Dans ces régions, où l’endémicité est soutenue, les épisodes pluvieux intenses et événements climatiques extrêmes entraînent régulièrement des épidémies. A cela s’ajoute une urbanisation mal contrôlée, avec des zones insalubres propices à la propagation des rongeurs. La leptospirose est donc considérée comme un problème de santé publique majeur sur ces territoires. Une étude menée à La Réunion montre que, contrairement à ce qui se passe en métropole, les contaminations liées aux activités agricoles ou professionnelles restent largement prépondérantes par rapport à celles qui sont liées aux loisirs 3. Même constat en Guyane, où une activité professionnelle à risque a été retrouvée dans 64% des cas analysés entre 2007 et 2014, notamment l’orpaillage 4.

Pour plus d’information :
www.leptospirose-prevention.fr
ou leptospirose@imaxio.com

Le sérogroupe Icterohaemorrhagiae associé aux cas les plus sévères

Le BEH nous rappelle que la leptospirose est une des zoonoses les plus répandues dans le monde, et qu’elle pourrait être responsable de quatre fois plus de décès que la dengue 5. Le sérogroupe Icterohaemorrhagiae, responsable d’environ 1/3 des cas recensés par le CNRL chaque année, est le plus présent sur nos territoires. Il est aussi associé aux formes les plus graves. Ainsi, une étude menée en Franche-Comté montre que ce sérogroupe est responsable de 67% des cas graves à l’hôpital 6. De plus, Taylor, dans sa revue de la littérature mondiale publiée en 2015, soulignait qu’il était lié à une mortalité bien supérieure à celle des autres sérogroupes pour les cas non traités de leptospirose, avec un taux de 13,6% 7.

A la Réunion, en particulier, la leptospirose revêt des formes particulièrement graves. Le sérogroupe Icterohaemorrhagiae, largement majoritaire, y est responsable de nombreux cas sévères, souvent avec atteinte pulmonaire 3,8. Entre 2004 et 2015, 93% des malades identifiés ont été hospitalisés et 33% ont été admis en service de réanimation au cours de leur hospitalisation. La létalité moyenne sur la période est de 5%, malgré la densité et la qualité du système de soins. Il est intéressant de noter que les rats ne sont pas les seuls responsables des contaminations humaines sur l’île et que les nombreux chiens errants, infectés par les génotypes de L. interrogans retrouvés dans la totalité des cas humains graves, pourraient être à l’origine d’un nombre important de ces cas 8.

Une étude récente menée en Martinique montre également que le sérogroupe Icterohaemorrhagiae est à l’origine de 91% des cas sévères entre 2010 et 2013 et qu’il est clairement associé au degré de gravité de la maladie 9. Même conclusion en Guadeloupe, où il a été associé à 75% des cas sévères analysés en 2003/2004 10, et en Nouvelle-Calédonie où il a été associé à 77% des cas mortels entre 2008 et 2011 11.

Dans ces régions, le renforcement des mesures de prévention et la vaccination contre la leptospirose à Icterohaemorrhagiae pour les professions à haut risque représentent des enjeux importants pour diminuer l’incidence et la létalité de la leptospirose 3.

Références bibliographiques

1. La leptospirose dans les régions et départements français d’outre-mer. BEH 8-9. 4 avril 2017. Disponible sur http://invs.santepubliquefrance.fr
2. Bourhy P, Septfons A, Picardeau M. Diagnostic, surveillance et épidémiologie de la leptospirose en France. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):131-7.
3. Pagès F, Kurtkowiak B, Jaffar-Bandjee MC, Jaubert J, Domonte F, Traversier N, et al. Épidémiologie de la leptospirose à La Réunion, 2004-2015. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):137-46.
4. Epelboin L, Le Turnier P, Picardeau M, Schaub R, Petit-Sinturel M, Villemant N, et al. La leptospirose humaine en Guyane : état des connaissances et perspectives. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):168-75.
5. Bertherat E. Éditorial. La leptospirose: une maladie émergente ou un problème émergent ? Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):130.
6. Estavoyer JM et al. Leptospirosis in Franche-Comté (FRANCE): Clinical, biological, and therapeutic data. Med Mal Infect. 2013 Sep;43(9):379-85.
7. Taylor AJ, et al. (2015). A Systematic Review of the Mortality from Untreated Leptospirosis. PLoS Negl Trop Dis 9(6): e0003866.
8. Tortosa P, Dellagi K, Mavingui P. Les leptospiroses dans les îles françaises de l’Océan Indien. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(8-9):157-61.
9. Hochedez P, et al. Factors Associated with Severe Leptospirosis, Martinique, 2010-2013. Emerg Infect Dis. 2015 Dec.
10. Herrmann-Storck C et al. Severe Leptospirosis in Hospitalized Patients, Guadeloupe. Emerg Infect Dis. 2010 Feb; 16(2): 331–334.
11. Tubiana S et al. Risk Factors and Predictors of Severe Leptospirosis in New Caledonia. PLoS Negl Trop Dis. 2013 Jan; 7(1): e1991.

Regards sur la Leptospirose n°11

Prolifération de rats dans le milieu carcéral : une situation préoccupante pour la santé

La prolifération de rats dans les prisons nationales a fait l’objet de plusieurs alertes au cours de l’année 2016, avec notamment des cas groupés de leptospirose parmi les détenus d’un centre pénitentiaire d’Île-de-France. Une situation qui fait craindre une recrudescence de cette maladie et a conduit les autorités sanitaires à publier récemment un rapport sur ce sujet.(1) Quelles sont les mesures de prévention qui s’imposent ?

« L’investigation de Santé
Publique France a conduit
à la mise en place de
nouvelles actions
préventives au bénéfice
du personnel pénitentiaire
comme des détenus »

En février 2016, le signalement de deux cas graves de leptospirose – heureusement non fatale – dans un centre pénitentiaire d’Île-de-France a conduit Santé Publique France à mener une investigation épidémiologique au sein de l’établissement.

Dans le premier cas, le détenu s’était blessé au doigt avec un fil de fer barbelé. Après des premiers symptômes de myalgies diffuses, diarrhées, vomissements et sensation de fièvre non objectivée, son état a rapidement évolué vers un choc septique, une infection respiratoire aiguë et une acidose métabolique.

Dans le deuxième cas, le détenu faisait partie de l’équipe en charge du nettoyage des abords extérieurs du bâtiment. Il n’avait pas été vacciné contre la leptospirose malgré la recommandation faite par l’Unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) aux personnes occupant cette fonction. Après une fièvre associée à des arthralgies diffuses invalidantes puis l’apparition de crachats hémoptoïques, et malgré une antibiothérapie, son état a évolué vers un sepsis sévère avec atteinte pulmonaire, atteinte hépatique et insuffisance rénale aiguë.

Un milieu propice au développement de la leptospirose

Aucun autre cas n’a été mis en évidence, mais l’enquête a permis d’identifier des facteurs favorisant la prolifération des rats, vecteurs privilégiés de la leptospirose : consommation de nourriture dans les cellules, habitude d’accrocher des stocks d’aliments aux fenêtres pour pallier le manque de moyens de conservation, évacuation par les fenêtres des déchets alimentaires après chaque repas, malgré la distribution de sacs poubelles.

 

 

Des mesures indispensables pour prévenir l’apparition de nouveaux cas

L’investigation de Santé Publique France a conduit à la mise en place de nouvelles actions préventives au bénéfice du personnel pénitentiaire comme des détenus :

• Travaux de bétonnage des zones enherbées ; • Nettoyage des abords des bâtiments après le déjeuner ;

• Meilleure information des nouveaux arrivants ; et pour les personnes occupant une fonction à risque, comme les détenus chargés du ramassage des débris alimentaires autour des bâtiments et le personnel effectuant des travaux de maçonnerie ou d’électricité :

• Mise en place d’un pédiluve pour rincer les bottes ;

• Création d’un local dédié pour mettre et enlever les équipements de protection, ce qui se faisait auparavant dans les cellules ;

• Suivi des recommandations vaccinales et rattrapage si nécessaire.

« Les rongeurs ne se cantonnent pas aux égouts. D’autres professions sont donc concernées, notamment dans le nettoyage de surface et la gestion des déchets… »

Pour plus d’information :
www.leptospirose-prevention.fr
ou leptospirose@imaxio.com

Avis d’expert :
Aujourd’hui, tous les feux sont verts pour que les rongeurs se multiplient

Expert des rongeurs et de l’impact de leur prolifération sur la santé humaine, Romain Lasseur est le fondateur d’Izipest, cabinet qui apporte un soutien scientifique et technique dans la gestion des espèces nuisibles vectrices de zoonoses.

« La multiplication des populations de rongeurs dans les milieux urbains et péri-urbains est aujourd’hui préoccupante. Dans le cas des prisons, l’environnement est parfois insalubre. Quand les bâtiments sont anciens, les rats peuvent s’installer aisément dans les caves et autres cachettes. La dératisation est donc compliquée car les rats trouvent en permanence de quoi se nourrir : les détenus jettent des aliments par les fenêtres, mais leurs familles leur lancent également de la nourriture par-dessus les coursives. Arrivant des égouts, les rats ont accès à toutes les pièces de vie et installations sanitaires et représentent un danger pour toutes les personnes qui sont présentes dans l’établissement, y compris bien sûr les agents de surveillance.

Mais le problème ne se limite pas aux prisons. En effet, nous gaspillons de plus en plus de nourriture et avons de mauvaises pratiques de gestion des déchets. Quand les poubelles sont vidées le matin et que nous les sortons le soir, les rongeurs ont toute la nuit pour se servir… En même temps, la tendance est au bannissement des produits chimiques et à la protection des espèces animales. Nous créons donc les conditions propices à la recrudescence des populations de rats.

Ne prenons pas à la légère les risques de leptospirose

Les égoutiers sont considérés depuis longtemps comme une population à risque pour la leptospirose. Cependant, aujourd’hui, les rongeurs ne se cantonnent pas aux égouts. D’autres professions sont donc concernées, notamment dans le nettoyage de surface et la gestion des déchets… En dehors des villes, on constate aussi une forte recrudescence des populations de ragondins, qui conduit à une hausse des cas de leptospirose sur les bases nautiques et chez les adeptes du canyoning, de la pêche, de la chasse ou encore des parcours sportifs dans la nature. Et que dire des fermes, où les rongeurs ont de l’espace et de la nourriture pour prospérer ? La promiscuité entre rongeurs et animaux domestiques et entre animaux domestiques et éleveurs favorise la propagation de la maladie.

C’est l’urine des rongeurs qui souille l’environnement et favorise la circulation du pathogène. Aujourd’hui, on joue à l’apprentisorcier avec la leptospirose. Les contacts avec les milieux souillés se multiplient mais la conscience du risque ne suit pas. Il est urgent de cartographier les zones à risque puis, dans ces zones, de lutter contre les rongeurs et vacciner les professionnels concernés, sur recommandation du médecin du travail.

Au cours des formations que je dispense aux professionnels de la dératisation, je me suis rendu compte que la grande majorité d’entre eux ne sont pas vaccinés contre la leptospirose ! C’est un secteur où le turn-over humain est important. L’information ne circule pas suffisamment. Pour les personnes particulièrement exposées, la vaccination, associée aux autres moyens de prévention, est pourtant essentielle contre cette maladie dont le nombre de cas augmente et qui peut être fatale.

Aujourd’hui, la leptospirose progresse car on laisse proliférer les rongeurs, mais il ne faut pas être alarmiste pour autant. Chacun doit réfléchir à son exposition au risque et mettre en place une protection adaptée. »

Références bibliographiques

1. Legout C., Septfons A., Fac C., Picardeau M., Merle C., Fouassier P. et al. Investigation de cas groupés de leptospirose parmi les détenus d’un centre pénitentiaire d’Île-de-France. Saint-Maurice : Santé publique France ; 2016. 24 p. Disponible à partir de l’URL : http://www.santepubliquefrance.fr

Regards sur la Leptospirose n°10

Professeur Bergeret,

Professeur de Médecine et Santé
au Travail à l’Université Claude
Bernard Lyon 1, Coordinateur de
l’enseignement de spécialité pour
la région Auvergne-Rhône-Alpes
et Chef du Service des Maladies
Professionnelles aux Hospices
Civils de Lyon

En France, environ la moitié des cas de leptospirose recensés chez les actifs serait liée à une activité professionnelle

L’actualité rapporte de plus en plus de cas de leptospirose contractée dans un cadre récréatif. Ainsi, en septembre 2016, une base nautique bretonne a été fermée à la suite de sept cas chez des kayakistes locaux 1. Mais il ne faut pas oublier que la leptospirose est également une maladie professionnelle. Selon le Professeur Alain Bergeret, près de la moitié des leptospiroses chez les actifs serait d’origine professionnelle.

« Nous disposons
de deux enquêtes
épidémiologiques sur
la leptospirose »

Professeur Bergeret, avons-nous une bonne visibilité sur le nombre de cas de leptospirose liés à une activité professionnelle ?

Peu de statistiques sont disponibles et nous ne pouvons nous baser sur ces chiffres pour avoir un reflet sincère de la réalité du terrain. En effet, les statistiques que nous avons sont celles des maladies professionnelles reconnues. Ces déclarations sont laissées à l’initiative du salarié et elles ne concernent que le régime général et le régime agricole.

Quelles sont les personnes les plus à risque ?

Ce sont principalement les égoutiers, les personnes chargées du curage des fossés ou des étangs, ou encore les cantonniers. En premier lieu, il s’agit de fonctionnaires territoriaux. Une part importante des personnes particulièrement exposées professionnellement n’entre donc pas dans les statistiques d’assurance des deux régimes ci-dessus. Pour la fonction publique territoriale, la leptospirose est bien un sujet de préoccupation, mais personne ne sait dire combien de cas sont comptabilisés chaque année puisqu’il n’y a pas de recensement systématique centralisé. Une autre catégorie qui est « invisible » dans les chiffres est celle des indépendants. Or, beaucoup de professions jugées à risque peuvent se trouver dans cette catégorie : vétérinaires, dératiseurs, moniteurs de canyoning ou d’autres activités pratiquées en eaux douces… On voit donc que dans bien des situations, même si la leptospirose est d’origine professionnelle, elle n’est pas identifiée comme telle. On ne peut donc pas se fier uniquement à ces statistiques.

enquêtes épidémiologiques liées à la leptospirose. La première, qui sert encore de référence, est pourtant très ancienne. Il s’agit de l’étude faite par le CNRL (Centre National de Référence de la Leptospirose – Institut Pasteur) sur «La leptospirose en France de 2001 à 2003 »2.

La seconde enquête est une « Etude descriptive des cas de leptospirose diagnostiqués en Normandie sur la période 2010-2014 »3 réalisée par l’INVS-Cire Normandie. Beaucoup plus récente, elle montre que 54% des cas étudiés correspondent à des personnes exerçant une profession à risque. Ces chiffres peuvent-ils être extrapolés à la France entière ?

Pour plus d’information :
www.leptospirose-prevention.fr
ou leptospirose@imaxio.com
Le risque de contracter la leptospirose au travail est-il important ?

Dans la population générale, le danger est minime car les professions où il existe un risque important de leptospirose sont particulières. Peu de travailleurs sont concernés. En revanche, pour ces personnes-là, il est essentiel de bien suivre les recommandations du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France 4 :

• Mise en oeuvre de mesures collectives de prévention
• Information • Utilisation de mesures individuelles de protection
• Vaccination sur avis du médecin du travail pour les personnes particulièrement exposées

En effet, la leptospirose est une maladie potentiellement létale, dont l’incidence augmente de manière générale puisque le nombre de cas a quasiment doublé depuis 2 ans par rapport aux années précédentes 5,6.

En 2014, plus de 54% des actifs touchés par la leptospirose en Normandie exerçaient une activité à risque. Ces statistiques posent la question de la maîtrise des principes de prévention pour les travailleurs exposés à cette pathologie professionnelle. Une bonne information, les mesures de protection et la vaccination sont préconisés par le Haut Conseil de la Santé Publique. Attention à ne pas négliger ce risque…

Est-il normal que la leptospirose soit davantage associée à des activités de loisirs ?

Les personnes qui pratiquent des activités de loisirs au contact d’eaux qui peuvent être souillées par des animaux porteurs de la maladie ne pensent pas courir un risque. Elles sont donc mal protégées. En même temps, ce type de loisirs est en développement. Aujourd’hui, la population exposée dans le cadre d’activités récréatives est beaucoup plus importante que celle qui est exposée professionnellement. Il serait donc normal que la part des leptospiroses d’origine professionnelle soit inférieure à celle des cas d‘origine récréative. Si la situation était inversée, ce serait un échec pour les acteurs de la prévention en santé au travail.

Leptospirose, Les activités professionnelles à risque 4 :

Lorsqu’il s’agit d’un contact avec l’environnement contaminé :

Activités pratiquées par des égoutiers, des employés de stations d’épuration ou d’entretien de canaux, berges, étangs, fossés, voies navigables, des employés de voirie, des pisciculteurs, des gardes-pêche, des pêcheurs professionnels en eaux douces, et par toute personne amenée dans son travail à manipuler de l’eau douce ne provenant pas de circuits d’adduction, comme les sapeurs-pompiers, les plongeurs, certains postes exposés dans le bâtiment et les travaux publics.

Lorsqu’il s’agit de contacts avec les animaux :

Activités pratiquées par des vétérinaires, piégeurs, gardes-chasse, employés des animaleries et des jardineries, employés des abattoirs, éleveurs.

De plus, une profession habituellement non exposée peut le devenir occasionnellement. C’est le cas, par exemple, d’un jardinier qui peut être amené à curer un bassin ou un canal d’irrigation.

Références bibliographiques

1. Ouest France, 16 septembre 2016 : http://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes- 35000/pres-de-rennes-une-base-nautique-fermeecause- dune-maladie-grave-4495813
2. La leptospirose en France de 2001 à 2003, Synthèse réalisée par le CNR des leptospires, Institut Pasteur, Paris (G.Baranton et D.Postic) : http://www.invs.sante.fr/publications/2005/snmi/pdf /leptospirose.pdf
3. Watrin M. Etude descriptive des cas de leptospirose diagnostiqués en Normandie sur la période 2010- 2014. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2016. 28p : http://www.invs.sante.fr/Publications-etoutils/ Rapports-et-syntheses/Maladies-infectieuses/ 2016/Etude-descriptive-des-cas-de-leptosp irose-diagnostiques-en-Normandie-sur-la-periode- 2010-2014
4. Rapport du groupe de travail du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHPF) : nouvelles recommandations relatives à la prévention du risque chez les personnes exposées à la leptospirose, séance du 18 mars 2005
5. Rapport d’activité 2014 du Centre National de Référence de la Leptospirose – Inst. Pasteur Paris : https://www.pasteur.fr/sites/www.pasteur.fr/files/cnr _lepto_2014_mpshort.pdf
6. http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/ Maladies-infectieuses/Zoonoses/Leptospirose/ Contextes-epidemiologiques.