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La Leptospirose

Une maladie infectieuse sous estimée et potentiellement grave

Étiquette : maladie polymorphe

Regards sur la Leptospirose n°2

 

Édito

Si on dresse un bilan de la leptospirose en 2011 (les données 2012 n’étant pas publiées à ce jour) plusieurs choses sont à noter : le sérogroupe icterohaemorrhagiae reste le plus largement représenté sur l’ensemble du territoire français, métropole et DOM TOM, à l’exception de Mayotte. On relève également une forte augmentation du nombre de cas déclarés aux Antilles suite à la mise en place d’un plan de surveillance dont l’objectif est d’évaluer l’incidence réelle de la maladie.

De son côté l’OMS a mis en place une cellule nommée GLEAN (Global Leptospirosis Environmental Action Network) dont les principales missions sont de dresser une cartographie mondiale de l’incidence de la leptospirose et de mieux sensibiliser à la maladie pour mieux la prévenir. L’ensemble de ces éléments est mis en avant par le rapport d’activité 2011 du Centre National des Leptospires de l’Institut Pasteur de Paris édité par l’équipe du Dr Picardeau au mois de novembre dernier.

Et si la surveillance est renforcée Outre-Mer, la vigilance doit également rester de mise en métropole comme vient nous le rappeler le décès de deux piégeurs dans l’Aisne à la <n de l’année 2012. C’est dans cette optique que s’ouvre ce 2enuméro sur les signes cliniques de la maladie et l’importance du diagnostic précoce.

Alexandre LE VERT, Directeur Général IMAXIO

 

Références bibliographiques :

(1) Rapport d’activité – années 2006 à 2010, édité par le centre national de référence de la Leptospirose. Institut Pasteur de Paris

(2) Koizumi et Watanabe, Leptospirosis, Vaccines for biodefense, emerging and neglected diseases, Elsevier 2009

(3) Hartskeerl & al, Emergence, Control and re-emerging leptospirosis: dynamics of infection, Clinical Microbiology and Infection vol 17, 2011

(4) Rapport HAS Diagnostic biologique de la leptospirose, juin 2011

(5) Leptospirosis, Fact Sheet, World Health Organization

(6) Bulletin épidémiologique, ARS océan indien, mars 2012

La leptospirose, une maladie infectieuse polymorphe

On estime à environ 500 000 le nombre de cas sévères de leptospirose dans le monde chaque année(1), cependant ce chiffre ne représente que les cas de leptospirose déclarés. En effet les manifestations cliniques de la leptospirose sont très variées, de la forme asymptomatique à l’atteinte rénale grave, ce qui la rend di*cile à diagnostiquer. La maladie est donc probablement sous-évaluée, d’autant que la con,rmation du diagnostic ne peut être pratiquée que dans certains laboratoires.

Environ 80% des personnes atteintes par la maladie présenteront une forme asymptomatique ou d’expression bénigne mais, pour les 20% restant, on peut observer par la suite une aggravation vers des formes ictériques polyviscérales sévères et potentiellement fatales(3). Dans un premier temps les symptômes apparaissent après une incubation moyenne de 2 à 20 jours. La phase septicémique se manifeste par un symptôme pseudo-grippal brutal : le patient se plaint de forte fièvre avec frissons, courbatures, myalgies, céphalées et souvent de troubles digestifs. Le plus souvent cette phase est anictérique et dure entre 4 et 7 jours. Cependant l’ensemble de ces symptômes reste non spécifique.

Lors de la phase immune, les études de cas rapportent de nombreux signes cliniques : fièvre, myalgies, maux de tête sévères, diarrhées, oliguries, ictères, conjonctivites, douleurs articulaires, éruptions cutanées, arythmies cardiaques, psychose. Les atteintes rénales sont fréquentes et sont des facteurs de gravité, tout comme les atteintes pulmonaires et les hémorragies (2). A ce stade le tableau clinique est plus évocateur, notamment si le patient présente un ictère. Dans les formes sévères (environ 20% des cas), la maladie dure 15 jours en moyenne, et 70% des cas nécessitent une hospitalisation(3).

Dans les formes sévères, 70% des cas nécessitent une hospitalisation

Dans les premiers stades de la maladie plusieurs autres pathologies peuvent donc être considérées comme des diagnostics différentiels de la leptospirose, en fonction de l’origine géographique du patient et de la situation épidémiologique locale. C’est le cas de la grippe bien sûr, mais aussi de la brucellose, fièvre Q, des hépatites virales et, en zone endémique sous les climats subtropicaux, de la dengue ou de la fièvre jaune. Etant donné l’extrême polymorphisme des signes cliniques proches de nombreuses affections, en zone d’endémie c’est le retard de diagnostic plus que la coexistence de deux pathologies qui est préjudiciable.

En effet les antibiotiques étant plus e*caces dans les premiers stades de la maladie, le pronostic d’évolution de la leptospirose dépend de la précocité du diagnostic, de l’état de santé général du malade et de la virulence de la souche à l’origine de l’infection(4).

Le traitement se fait par antibiotiques et doit être administré dès le diagnostic de leptospirose suspecté, de préférence avant le 5e jour après le déclenchement de la maladie. Au-delà, l’effet des antibiotiques est plus discuté (5). Avant confirmation, un questionnaire effectué par le médecin sur les activités du patient (environnement de travail, pratique d’activité de loisir au contact d’eau douce ou d’animaux, voyage récent dans des zones endémiques) pourra donc orienter le diagnostic vers une leptospirose que viendra confirmer une analyse par test MAT, PCR ou ELISA.

Bien que longue, la convalescence se fait le plus souvent sans séquelles. Plusieurs semaines peuvent être nécessaires et environ 11% des personnes atteintes développent des séquelles à long-terme parmi lesquelles : fatigue chronique, troubles oculaires ; et 1.3% nécessitent un arrêt de travail permanent(3).

11% des personnes atteintes développent des séquelles à long terme

En France, les hommes âgés de 40 à 50 ans sont les plus touchés par la maladie. Cette statistique s’explique en partie par leurs activités professionnelles qui les exposent davantage au contact d’animaux et d’environnements contaminés(2). Le plus souvent l’âge du patient est un facteur de gravité dans le développement de la maladie, cependant la leptospirose touche également les enfants. Ainsi l’année dernière à Mayotte la majorité des cas déclarés étaient des enfants ou jeunes adultes ayant contractés la maladie suite à des jeux de baignades en eau douce ou au contact de boues (63% des cas)(6).

Interview

Dr Jean-Marie ESTAVOYER, Ancien Chef de Service des Maladies Infectieuses et Tropicales au CHU de Besançon

Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées dans le diagnostic de la leptospirose ?

Jean-Marie ESTAVOYER. Les signes cliniques offrent des similitudes avec ceux de nombreuses pathologies infectieuses bactériennes, virales ou parasitaires. Ce sont avec ces hypothèses diagnostiques que sont souvent admis les patients atteints de leptospirose. L’orientation diagnostique repose incontestablement sur un interrogatoire de qualité. Il recherche les nombreuses situations d’exposition et facteurs de risque : profession, mode de vie, loisirs. La découverte d’indices épidémiologiques en faveur d’une situation à risque conforte et justifie la demande d’examens biologiques de confirmation dont les résultats s’avèrent encore trop souvent tardifs actuellement. Ces indices diagnostiques ont d’autant plus d’importance qu’ils peuvent influer sur la décision d’instituer rapidement une antibiothérapie efficace, facteur de bon pronostic.

Les signes cliniques de la leptospirose sont non spécifiques. Vous avez rédigé un article très récemment concernant l’observation de cas de leptospirose. Ont-ils présenté des signes cliniques ou biologiques communs qui vous ont permis d’orienter le diagnostic vers une leptospirose ?

JME. La plupart des patients présentent des signes cliniques initiaux très semblables. Il s’agit d’une fièvre élevée accompagnée de douleurs : céphalées, douleurs musculaires arthralgies et troubles digestifs. La tolérance clinique est médiocre et le patient devient rapidement hypotendu et asthénique.
Parfois surviennent des signes cliniques capables de faire errer le diagnostic tels un exanthème, un herpès labial, un syndrome méningé ou un subictère.
Parmi les examens biologiques habituellement demandés par le médecin traitant ou à l’entrée à l’hôpital, certains révèlent des modifications qui peuvent avoir valeur d’orientation. C’est avant tout la présence d’un syndrome inflammatoire marqué avec des valeurs élevées du fibrinogène ou de la CRP.
De façon plus inconstante, il faudra prêter attention à une élévation de la créatininémie sérique, des transaminases ou des phosphatases alcalines ou à une thrombopénie. Ces modifications ne sont pas l’apanage de la leptospirose ; elles sont également retrouvées au cours de pathologies infectieuses tels une pyélonéphrite, une salmonellose ou un paludisme.
Ces informations conjuguées aux données épidémiologiques peuvent constituer une bonne orientation diagnostique.

L’espèce pathogène, Leptospira interrogans, regroupe 23 sérogroupes tels que icterohaemorrhagiae, canicola, grippotyphosa… Est-ce que certains de ces 23 sérogroupes induirait des formes cliniques plus sévères ?

JME. De nombreux paramètres entrent en ligne de compte cependant deux facteurs paraissent importants.
L’un est représenté par l’agent pathogène, son sérovar, ses facteurs de virulence et capacités invasives ainsi que par la densité de l’inoculum. L’autre prend en considération l’hôte, l’importance de la porte d’entrée et surtout les capacités immunologiques de défense fonction de l’âge ou d’un état pathologique acquis.
On ne peut passer sous silence le rôle de la précocité du diagnostic et la rapidité de la prise en charge gage d’un meilleur pronostic. Les variations des constituants biologiques et des capacités fonctionnelles au sein des souches de leptospires sont connues et prises en considération dans les classi,cations taxonomiques.
Aussi le rapport de certaines séries de patients atteints de leptospirose souligne le fait que les malades infectés par des souches du sérogroupe L. Icterohaemorrhagiae sont plus souvent victimes de formes graves que ceux dont l’infection est due à d’autres sérogroupes, L. Grippotyphosa par exemple. Cependant l’expérience démontre que les formes sévères peuvent également être dues à d’autres sérogroupes

En 2012, c’est plus de 500 vaccinations contre la leptospirose ictérohémorragique qui ont été réalisées

Les centres de vaccinations de la ville de Paris

La Direction de l’Action Sociale, de l’Enfance et de la Santé (DASES) exerce l’ensemble des compétences en matière sociale, médico-sociale et de santé hors Protection Maternelle et Infantile, pour le département de Paris. La ville compte 7 centres de vaccination qui proposent gratuitement les vaccinations obligatoires ou recommandées et délivrent une information au public et aux professionnels du corps médical, dans le cadre d’une convention avec l’Agence Régionale de Santé. Ces centres accueillent tous les parisiens qui se présentent ainsi que les agents de la ville de Paris dans le cadre d’un accord avec le service de santé au travail.

900 000 dossiers sont suivis via un logiciel de gestion de dossiers vaccinaux spécialement développé pour les besoins des services de vaccinations. Ce logiciel couvre plusieurs objectifs comme répondre aux obligations de la municipalité de tenir à jour un ,chier vaccinal, tracer les numéros de lots des vaccins et d’établir des statistiques annuelles pour le service. En 2012, 75 000 actes de vaccination ont été réalisés dont l’immunisation contre la leptospirose ictérohémorragique.

En 1976, la vaccination contre la leptospirose ictérohémorragique devient obligatoire pour les égoutiers de la ville de Paris et c’est à partir de 1981 qu’elle est réalisée en routine dans les centres de vaccination de la ville. Aujourd’hui, les égoutiers, les agents des canaux, les éboueurs ou la brigade fluviale… sont autant de professions pour lesquelles la vaccination est recommandée. Environ 400 agents sont vaccinés annuellement contre la leptospirose ictérohémorragique à Paris. En 2012, c’est plus de 500 vaccinations contre la leptospirose ictérohémorragique qui ont été réalisées auprès des professionnels à risque mais aussi auprès d’étudiants ou de voyageurs demandeurs. Certains agents de la ville de Paris, exposés à cette zoonose, sont vaccinés depuis plus de 30 ans. Les agents reçoivent une convocation pour les rappels ultérieurs. Un entretien est réalisé lors de la consultation afin de s’assurer que le patient n’a pas eu de réaction suite à la dernière injection, mais également pour rappeler le mode d’action des vaccins et les effets indésirables qui peuvent survenir. Une fiche d’informations sur la vaccination, éditée par les centres de vaccination de la Ville de Paris, est remise à chaque entretien.

Agenda :

15 au 17 mai 2013
Congrès Secours Santé,
à Bourg en Bresse

28, 29 et 30 mai 2013
32ème Journées Nationales de Santé au Travail dans le BTP,
à Lille

13 et 14 juin 2013
Journées Franco-Suisse,
à Lyon

18 et 19 avril 2013
Congrès régional SMSTO,
à Noirmoutier